J'ai tendance à m’autoproclamer guerrière, en lutte contre l’injustice et la dématérialisation. Je ramasse toujours, quoique rarement avec bonne volonté et de bonne foi, les gants que la vie me jette.
En digne hypersensible/hyperstimulée/hypercassepieds, je passe le plus clair de mon temps à m’épancher des injustices que subissent les êtres humains de bonne volonté dont je crois faire partie. J’ai le sentiment de faire face à des contemporains qui affectionnent trop leur confort, leur satisfaction, leur plaisir et leur jouissance personnels. Et ce n’est de toute évidence pas qu’une impression.
Dans un monde où pandémies, fardeaux sisyphiques, catastrophes environnementales, calamités bibliques et autres violences irréversibles contribuent à un quotidien anxiogène, chaque jour amène son lot de coups de théâtre. Pour peu que l’on soit un.e adulte responsable qui doit assumer des devoirs souvent pesants et qui s’inquiète de l’avenir qu’il ou elle prépare à lui ou elle-même et à sa descendance, il est facile de verser dans la complainte et la révolte à outrance.
Certes, ce climat est bien réel et nous le subissons tous. Nous vivons dans l’incertitude et l’anxiété. Toutefois, est-ce moi qui pose autour de moi un œil de moins en moins idéaliste et de plus en plus désillusionné ? Les années et le monde dans lequel nous vivons ont-ils endurci mon cœur, mon corps et mon cerveau au point d’exacerber mon esprit critique, au détriment de ma faculté à m’émerveiller et à attendre le meilleur de la vie et d’autrui ?
En éternelle idéaliste, même meurtrie et balafrée par la vie, je continue à rêver d’un autre monde, plus juste et bienveillant. Mais pour changer ce monde, ne dois-je pas d’abord moi-même évoluer ? Ne dois-je pas muer hors de ma peau d’adulescente pour passer à l’étape suivante de mon existence, qui me mènera, je l’espère, à une maturité plus sereine ?
On m’a souvent répété que je suis maîtresse de mon destin, artisane tant de mon ascension que de ma chute. Comment poser sur mon environnement un œil neuf ou à tout le moins rafraîchi ? Ma combativité est-elle un mal nécessaire à l’heure de l’isolement social, de la virtualité affective, de la désinformation et de l’annihilation de nos valeurs les plus essentielles ? Comment supporter ces compromis permanents ?
Peut-être ne suffit-il pas de rêver d’un monde meilleur. Sans doute faut-il rebattre les cartes et infléchir le destin de manière résolue, certes, mais en renonçant à l’agressivité contre productive.
Ou est-ce cette hargne qui me permet d’avancer et de me réinventer, dans un contexte de plus en plus incertain et mouvant ?
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