Mon aspiration a toujours été de trouver le grand amour. Malgré mes airs d’amazone, je rêve de rencontrer le poivrier de ma salière. Or, après un mariage, un divorce, deux enfants, plus de dix années de célibat et une flopée de déceptions affectives, je n’ai jamais déniché celui qui pourrait devenir un partenaire avec lequel construire (ou plutôt reconstruire) un couple aimant et torride. J’ai beau mener en solo ma barque d’une main progressiste as fuck, cette incapacité à aimer et être aimée me désespère. Et comme toutes les Bridget Jones, le recours aux voies de rencontres numériques semble tout aussi inévitable qu’irrémédiablement vain.
On me dit souvent que si je suis seule, c’est parce que je suis trop exigeante, trop indépendante et pas assez ouverte au premier couillon venu. Pas vraiment. Je me suis coltinée une sacrée brochette de bras cassés, infidèles, élusifs, immatures, infantiles, machistes et autres mâles omégas décevants.
Je répondrai à ceux qui me reprochent ma trop grande rigidité affective que la liste des qualités de l’homme imaginaire de ma vie est en effet longue comme « Guerre et paix ». J’ajouterai qu’absolument personne à ce jour n’a correspondu à l’idée que je me fais de l’être avec lequel je pourrai enfin vieillir et mourir en paix sans plus me tourmenter sur cette question.
Je sais que je choisis fort mal les objets de mes affections et que mon célibat endurci ne m’encourage pas à faire montre de plus de souplesse et d’ouverture. Toutefois, étant entourée d’une foule de personnes plongées dans un tourment quotidien ou un tiède ennui vaguement dépressif, je fais probablement mieux d’attendre trop de l’amour que pas assez. Cela étant dit, ma solitude n’est pas tant un choix de vie qu’une fatalité.
Ce n’est pas faute de m’être entichée. L’adolescence ayant à peine pointé son nez, j’ai superbement ignoré les chouettes gars qui s’intéressaient à moi pour jeter mon dévolu sur des garçons qui n’en avaient rien à faire ou si peu. Mon intérêt maladif pour les hommes indisponibles a souvent frôlé l’obsession, et c’est toujours le cas.
À 13 ans, j’ai suivi un camarade de classe jusque dans l’allée de son garage, ce qu'il n’a pas manqué de me faire remarquer publiquement à l’école le lendemain. Un an plus tard, j’ai écrit une lettre déchirante au premier petit con qui m’a roulé une pelle pour lui demander quelles étaient ses intentions, alors que lui ne se souvenait de rien. L’année suivante, je me suis persuadée que le destin d’un jeune guitariste à voix de velours était cosmiquement lié au mien alors qu'il avait à peine conscience de mes attraits. L’année de ma majorité, j’ai pleuré assise sur un trottoir londonien lorsque le grand Vénitien étreint quelques jours avant son retour dans son pays natal m’a écrit qu’il était très compliqué à ce stade d’envisager une quelconque histoire d’amour éternel.
Plus d’une décennie plus tard, n’ayant nullement tiré les leçons de ma tendance à me faire remballer par les hommes sur lesquels je m’attarde un peu trop en mode Glenn Close ou à porter mon dévolu sur des garçons qui se droguent, boivent trop, ont des difficultés d'apprentissage et des traumatismes familiaux profonds mais sont potentiellement très intelligents, ont une horde de groupies prêtes à me lyncher à chaque seconde, ne comprennent rien au corps de la femme, sont mariés, n'aiment pas les femmes un peu grosses ou alors juste un soir ou me trouvent dans le fond trop maligne et tordue for comfort, je me suis accrochée comme une tique à un monsieur de 17 ans mon aîné, persuadée qu’il était le remède à tous mes tourments de jeune divorcée.
Et surtout, entre deux obsessions et trois one-night stands, j’ai passé ma trentaine à surfer sur les sites de rencontres, avec un succès absolument nul.
S’il y a bien un endroit où les affres de notre célibat nous sont douloureusement rappelés, c’est sur ces marchés modernes de la vaine promesse d’amour. Le décalage entre les aspirations amoureuses des unes et les besoins charnels des autres y est criant, dick pics à l’appui. Ne vous méprenez pas, je trouve le principe de ces sites excellent. Maman solo en travail à domicile, mon emploi du temps ne me laisse pas des masses l'occasion de partir en chasse et dénicher la perle rare par les moyens traditionnels.
Sur les plateformes de drague, on peut faire son marché. Et on trie. Ça prend des plombes, c’est addictif et on a une idée très vague du profil des personnes, souvent très lacunaires dans leur description. Mais on agit et surtout on espère.
C’est dans cet espoir que réside selon moi l'attrait irrésistible de ces sites. Entre ceux qui confondent l’application avec un service de livraison de prostituées gratuites, ceux qui sont cons comme des manches à balai, ceux qui ne veulent que du sexe mais sont trop polis pour le dire ouvertement, ceux qui te bloquent quand tu leur dis que tu as tes gamins 100% du temps, ceux qui ont la lourdeur d’un 20 000 tonnes (inversement proportionnelle à la longueur du pénis dont tu ne manques pas de recevoir la photo après deux messages), ceux qui viennent de divorcer et dont la perspective de recoller les morceaux épars t’épuise, les vieux qui font semblant d’être plus jeunes, les jeunes qui te disent aimer les « femmes matures », les beaux sur leur photo et moches en vrai, ceux qui aiment les filles « taille 38 rondes », les trop bizarres, les pas assez bizarres, les fétichistes du tatouage, et bien entendu les innombrables messieurs mariés, l’ampleur de la tâche consistant à trouver sneaker à son pied de Cendrillon moderne sur les sites de rencontres est tout bonnement incommensurable.
Mais l'espoir fait vivre et entretient le moral, en particulier en ces temps clairs-obscurs.
J’ai beau être une louve solitaire, je n’en demeure pas moins une romantique attachée à la notion de destin. En mon fort intérieur, je ne crois pas que ce type de rencontre puisse avoir lieu en glissant le doigt sur un écran entre deux cours de danse de ma fille et une panade de mon fils.
Dans le fond, l'amour requiert du temps et une implication qui me font probablement défaut. Et pourtant, j'y aspire de toute mon âme.
So very 90s rom-com of me pour une féminazi autoproclamée et assumée…
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