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Photo du rédacteurValérie Gillet

IRL

Dernière mise à jour : 13 mai 2021



Note automnale coronavirusienne de deuxième vague à moi-même.


La vie virtuelle n'est pas la vraie vie.


Dans la vraie vie, entre ma fille et moi le ton monte, ça gueule, les portes claquent. Je cherche des solutions et m'évertue à vouloir changer ma nature hypersensible pour bien l'élever sans trop mal faire. Avec plus ou moins de succès. Je sais que l'adolescence est un passage obligé pour tous les parents et leurs enfants. Mais c'est hardcore.


Dans la vraie vie, je tire sur la corde pour terminer mon année alors que je n'ai qu'une aspiration : me reposer au lieu de traduire. Mais la situation économique est compliquée pour tout le monde, y compris pour les mamans solos freelance. On me dit que je dois m'activer professionnellement et c'est ce que je fais. Mais je n'en peux plus de me battre.


Dans la vraie vie, ça fait des mois que je ne dors pas beaucoup. Depuis ma grossesse, je n'ai pas eu de vacances, pas de soirée à moi, pas de moment de répit, pas de sortie entre amis, pas de city trip, pas de journée spa. Mon corps est exténué, labouré, abîmé, endolori. Mon cerveau est dans le brouillard. Je suis au four et au moulin, le nez dans le guidon. Faire un bébé seule, c'est dur. En période de pandémie loin de ma famille, c'est un tour de force. On m'avait prévenue. Je ne suis pas étonnée. Je ne regrette pas une seule seconde. Mais c'est épuisant.


Dans la vraie vie, je n'ai souvent aucune envie de chausser mes baskets ou d'enfiler mon legging et de dérouler mon tapis antidérapant au milieu du salon pendant que le gamin gueule dans la pièce à côté ou m'attend à la cafétéria de l'école de danse, surveillé par sa grande sœur ou sa baby-sitter. Je me force à entretenir mon corps et mon esprit. Je sais que je dirai merci à mon moi-même dans quelques mois. Mais j'ai la flemme.


Dans la vraie vie, la solitude me pèse. L'absence de contact physique et humain aussi. J'ai peur pour l'avenir, de devoir y faire face seule. Les prochaines années seront aussi incertaines que les précédentes. Je sais que tout le monde a ses difficultés et que la vie de personne n'est idéale. Je sais que les couples se déchirent derrière les portes de leur grande maison ou de leur appartement urbain. Que l'incertitude est la même pour tous. Mais la peur de l'avenir en solitaire me tenaille.


Dans la vraie vie, même quand on a une chouette existence, et c'est mon cas, chaque seconde de chaque minute ne doit pas pour autant devenir une surenchère sur notre capacité à profiter de la vie no matter what. Et peu importe nos efforts d'autopromotion sur les réseaux sociaux, on mène sa barque seul à travers les écueils. Et putain, on chie souvent des barres.


Il serait peut-être temps de partager cela sur nos plateformes de communication au lieu de faire croire au monde que notre vie est l'incarnation de la perfection épanouie et prospère et de l'équilibre du corps et de l'esprit.


Au diable les applis de méditation, les régimes sans gluten, les rééquilibrages alimentaires, les selfies "au top", la musique trop swag qu'on écoute, les célébrations de chaque non événement professionnel et privé, la centième vidéo de nos enfants en train de danser (mea maxima culpa sur ce coup-là), l'énième photo du énième bouquin qu'on ne finira peut-être jamais, l'inévitable récit de notre week-end cocooning self-care...


Dans la vraie vie, soyons nos nous-mêmes les plus imparfaits et les plus attachants. Et dans la vie virtuelle, soyons un peu moins comme tout le monde.

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