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  • Photo du rédacteurValérie Gillet

Arrêtez de nous vendre vos mecs, putain.

Dernière mise à jour : 17 oct. 2022


Hier, en scrollant mon feed LinkedIn (très français tout ça), je tombe sur une publication. Rien ne va dans le texte. Rien.


Petite traduction résumée.


La demoiselle qui rédige a acheté une maison avec son compagnon. La plomberie leur donne du fil à retordre. De plus, le jeune homme a entamé des travaux il y a des mois, qu’il n’a toujours pas finis. Par ailleurs, l’activité professionnelle de la jeune femme est source de beaucoup de stress.


Une discussion animée éclate entre les tourtereaux. La tension monte et la demoiselle perd son calme, mentionnant la pression qu’elle subit sur tous les fronts alors que lui ne semble pas s’en plaindre. Son compagnon accepte finalement de consacrer le weekend à terminer les travaux interrompus il y a des mois.


Jusque là, rien de bien sanglant, mais ça se gâte. La jeune femme consulte alors une application sur son téléphone et se rend compte que ses règles devraient arriver dans les jours suivant. N’écoutant que son sens profond de la justice, elle se précipite dans la pièce où se trouve toujours son aimé et… wait for it… LUI PRÉSENTE SES PLUS PLATES EXCUSES. Désolée d’avoir perdu mon sang-froid, s'écrie-t-elle, c’est la progestérone qui a parlé. Je suis esclave de mes hormones.


Le jeune homme prend sa compagne dans les bras et la réconforte. Ce n’est pas grave, lui dit-il, tu es tout excusée. Ce n’est pas ta faute si tes hormones te font dire n’importe quoi.


And scene.


En fait non, le massacre se poursuit. La demoiselle rend alors un vibrant hommage à son homme, un vrai féministe, LUI. C’est ça que l’on veut voir chez nos compagnons, souligne-t-elle : une attitude véritablement magnanime et indulgente face à nos désordres hormonaux de femmes en proie aux tourments mensuels de nos menstrues et aux sorties caractérielles qui vont avec.


And scene.


En fait non, à ce stade le bloodbath est total. Dans les commentaires, les femmes s’extasient. Quel homme ! He’s a keeper ! Quel couple formidable vous formez ! Quelle chance incroyable tu as d’être avec un compagnon aussi moderne, progressiste et compatissant…


And scene.


Depuis 24h, j’ai envie de tout cramer. La société patriarcale. Les hommes. Les femmes. LinkedIn. Mon laptop. Le monde entier. L’amour. L’hétérosexualité.


Sérieusement, mesdames. Faut vous sortir la tête du sable et arrêter de nous vendre vos mecs comme les réincarnations de Simone de Beauvoir et Gisèle Halimi à chaque fois qu’ils changent une couche ou vident le lave-vaisselle.


Il faut arrêter, car cela dessert la cause féministe et nous maintient dans l’illusion d’une émancipation pourtant inexistante au sein du couple hétéronormé.


Revenons à mon anecdote.


Tout d’abord, la charge mentale de la maison, de la plomberie, des travaux et du ménage et de la vie professionnelle pèse de toute évidence, comme c’est le cas dans une écrasante proportion de la population hétérosexuelle, sur la jeune femme, qui en ressent donc une pression très forte. Pourtant, elle ne comprend pas pourquoi elle perd son calme et cherche une explication rationnelle. La logique voudrait qu'elle pointe du doigt cette fameuse charge mentale trop lourde à porter seule, alors que son mec, lui, peint un petit mur par-ci par-là et se laisse vivre le reste du temps et dicter ce qu’il doit ou ne doit pas faire dans leur nouvelle maison pleine de travaux à faire et de problèmes à régler. Mai non, ce sont les règles qui sont à blâmer. L’énervement ne peut en aucun cas être rationnel ou justifié. Cela doit être ses méchantes hormones qui lui jouent des tours.


Ensuite, soulagée d’avoir réussi à décoder son agacement (absolument pas dû à une vieille maison avec une plomberie toute pourrie, un job de freelance avec les risques et les obligations qui vont avec, un prêt à rembourser, des travaux à payer, un mec qui fait un trou dans un mur en janvier et le regarde comme un gros débile à chaque fois qu’il passe devant sans se sortir les doigts des fesses jusqu’en juin, ce ne sont pas des raisons valables d’en avoir plein le cul), elle DEMANDE À SON MEC DE BIEN VOULOIR EXCUSER LE FAIT QU’ELLE EST UNE FEMME.


Il n’y a que moi que cela sidère ou bien ? La nature l’a dotée d’un utérus qui saigne mensuellement. Elle n’y est absolument pour rien. Quand bien même ses hormones joueraient au bilboquet avec ses humeurs tous les mois, ce qui est en effet fréquent chez les êtres humains menstrués, en quoi doit-elle s’en dédouaner ?


Pire : le garçon, grand seigneur, pose sur l’épaule de sa dulcinée fragile, instable et hormonale, un bras protecteur, l’assurant qu’il s’occupe de tout et va enfin reboucher le trou qu’il a lui-même ouvert à grands coups de masse six mois auparavant. T’inquiète pas princesse, je te pardonne ton hystérie typiquement féminine due à l’approche imminente de tes ragnagnas, n’en parlons plus, tu me feras une bonne petite fellation ce soir et tout sera oublié.


Et ce mec est encensé comme un féministe ? Really ?


Premièrement, un féministe, ce n’est pas ça. Si vous voulez vous en faire une idée plus concrète, lisez la littérature sur le sujet, étudiez les théoriciennes, apprenez l’histoire et écoutez les militantes. Deuxièmement, il n’est pas dans l’intérêt des hommes d’être féministes. Jamais. Les rares qui le deviennent prennent ce chemin semé de ronces à contrecœur, généralement contraints et forcés par une compagne qui le leur impose comme condition sine qua non à la poursuite de leur relation ou par véritable engagement idéologique. Jamais par inclination naturelle, car elle n’existe pas. Cela leur prend des années, que dis-je une vie entière, pour désapprendre absolument tout ce que la société leur a inculqué dès la naissance.


Même chez les femmes, le véritable féminisme intersectionnel est aussi rare qu’un edelweiss. Malgré toutes nos grandes déclarations et nos gesticulations, nous sommes nous aussi principalement les enfants d’une société patriarcale qui reproduit les mêmes comportements et structures de couple depuis des milliers d’années. Et sans vouloir être exagérément dichotomique, pour la plupart d’entre nous, cela nous convient tout à fait, à l'exception des chaussettes sales à côté du bac à lessive et de la lunette des toilettes relevée.


Alors non, avoir un mec qui vous pardonne d’avoir vos règles, ce n’est pas avoir un mec féministe. Mon père m’a toujours acheté mes tampons et ceux de ma mère, cela ne fait pas de lui un partisan acharné de la destruction du patriarcat, mi-Emmeline Pankhurst, mi-Gloria Steinhem. Mon père, c’est Lino Ventura, pas Virginie Despentes. Dans le monde, il y a juste les gros connards, puis des hommes qui sont des êtres humains décents. Cela ne fait pas d’eux des Louise Michel en puissance.


Et non, on ne s’excuse pas pour ses hormones ni pour ce sang qui coule chaque mois. On n’a jamais demandé aux hommes de s'en vouloir pour leur testostérone de merde, alors on assume son cycle et on le brandit comme un étendard ensanglanté. C’est ce qui fait de nous des êtres forts et résilients, pas des petites choses fragiles, lunatiques et hystériques. Il en va de même de la grossesse, du post-partum, de la ménopause et de tous nos états humains. Être une femme, c’est l’épreuve d’une vie, on ne va pas en plus demander pardon de la traverser comme on peut, cahin-caha, dans le sang, le vomi, le placenta, le lait maternel, les hémorroïdes, les bouffées de chaleur, la perte de cheveux, les vergetures, les varices, la peau distendue, les descentes d’organes, les fuites urinaires, les tétons à vif, la diarrhée, les tumeurs, les saloperies sexuellement transmissibles, les mycoses, les hystérectomies, les frottis, les papillomavirus, les épilations, les ligatures, les pilules, les stérilets hormonaux, les interruptions de grossesses, les viols, les attouchements, les écarts de salaire, la charge mentale et les vieux vicieux qui nous claquent les fesses ou nous sifflent dans la rue.


Mais surtout, mesdames, on n’a pas besoin de savoir ce que vous pensez de vos hommes ou l’image que vous voulez en donner. Vous avez fait un choix de vie et d’amour. Un choix tout à fait valable, comme n’importe quel choix. Dans l’écrasante majorité des relations amoureuses, ce choix n’a absolument pas été motivé par le féminisme supposé de votre conjoint. Ça ne pourrait pas être le cas, car le féminisme masculin est presque inexistant dans notre société actuelle. Par ailleurs, on s’en fiche de savoir que blablabla not all men, blablabla moi mon mari fait la vaisselle, blablabla moi mon mec change la couche de Kevin quand le caca n’est pas trop odorant, blablabla moi mon homme me satisfait pleinement au pieu. Blablabla. On s’en fout de « pas tous les hommes ». D’abord, vous mentez très probablement, puis quand bien même cela serait vrai, l’important ce n’est pas les exceptions, c’est de changer la règle.


Dans le fond, on ne choisit pas nos hommes parce qu’ils sont féministes. On les prend parce qu’on a l’impression que ce sont des gens bien, des êtres humains empathiques avec lesquels on peut éventuellement construire quelque chose qui fait plus ou moins sens dans un monde qui en fait de moins en moins. Puis surtout, on les choisit parce qu’on a envie de les… et qu’à force de les…, ben on les aime, et comme on les aime, ben on veut passer un maximum de temps avec eux, et comme on veut passer un maximum de temps avec eux, ben on vit avec.


Tant que ça dure et pourvu que ça dure.


Et tant mieux si ça dure.


Mais ne confondons plus choix du cœur et choix idéologiques. Et cessons d’ériger des temples à leur gloire dès qu’ils nous achètent un paquet de bandes hygiéniques ou qu’ils font une queue de cheval à la petite.

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