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  • Photo du rédacteurValérie Gillet

Ill communication

Dernière mise à jour : 29 nov. 2021


À l’ère du tout numérique et de la communication virtuelle instantanée, il y a deux catégories d’êtres humains : ceux qui répondent aux messages et ceux qui n’y répondent pas. Ou tardivement. Ou après deux ou trois rappels formulés sur un ton faussement léger mais agacé.


Je fais partie de la première catégorie. J’ai une fâcheuse tendance à la diarrhée communicative écrite, au petit message humoristique avec lien amusant envoyé à l’improviste et au courriel à rallonge. Cela pourrait me classer dans les emmerdeurs insistants, mais j'assume.


Même intentionnellement, j’ai un mal de chien à opposer à mes interlocuteurs virtuels une fin de non-recevoir ou une réponse tardive « overbusy overbookée ». Je suis une fille plutôt directe : on me contacte et je réponds généralement dans la journée, souvent moins. Dès lors, l’incapacité des gens à donner suite aux messages dans un délai raisonnable et à clore poliment les conversations virtuelles au lieu de les quitter abruptement n’en finit pas de m’insupporter.


Je suspecte que les raisons qui les incitent à ignorer les messages ou à n’y répondre que lorsqu’ils y sont invités ont à voir avec l’intérêt qu’ils portent à leur interlocuteur. Moins l’expéditeur est prioritaire, plus la tentation est forte de ne pas remarquer les messages qu’il nous destine. Tout le monde n’a pas comme moi une notion exacerbée et désuète de la bienséance.


Parmi les non-répondants ou répondants récalcitrants tardifs, on compte bon nombre de débordés, dont la vie est remplie de choses tellement importantes qu’ils ont rarement le temps de demander des nouvelles et de répondre aux messages. Généralement, ces gens font partie de notre vie depuis de nombreuses années. On n’a d’autre choix que d’accepter plus ou moins stoïquement leur négligence récurrente. De toute manière, lorsque l’on décide de ne plus les contacter durant un laps de temps donné, ils ne s’en rendent jamais compte. On espère secrètement, mais sans certitude, qu’ils parviendront à se libérer le jour de notre enterrement, si leur planning surchargé le permet, pour se souvenir que dans le fond, on était une chouette personne qui leur a donné une belle leçon de constance et de fidélité.

Négligence mise à part, on s’est tous abstenus de répondre à quelqu’un pour le punir d’un comportement supposément blessant. J’ai moi-même tenté cette approche « dédain et détachement » avec fort peu de succès, mais ces mesures de rétorsion ne sont pas l’apanage des femmes et peuvent prendre des proportions absurdes et dramatiques. Ainsi, cela fait 11 ans que je tente en vain de coparenter ma fille avec quelqu’un qui a décidé qu’il ne s’approcherait plus à moins de 50 m de moi, ne m’adresserait plus jamais la parole directement, ne décrocherait plus le téléphone quand j’appelle et ne répondrait plus à mes messages. Autant dire que ma tâche parentale n’est pas particulièrement facilitée par ce facteur imposé.


Plus fondamentalement, il faut se rendre à l’évidence : la vaste majorité des non-répondants ne s’intéresse tout simplement pas à nous. Or, lorsque l’on montre de l'intérêt pour une personne, il est assez blessant pour l'orgueil d´admettre que l’on n’existe que vaguement, voire pas du tout, pour l'autre. C'est pourtant une belle leçon d'humilité : nous ne sommes pas aussi intéressants, séduisants, intelligents et passionnants que nous voudrions l’être. La plupart des gens ne nous accordent qu’un intérêt très furtif, superficiel et poli. Politesse et gentillesse ne sont pas synonymes d’intérêt et l'existence est généralement trop remplie pour s’encombrer de nouvelles personnes qui se démarquent peu ou prou.

Pour les fiers tels que moi, cette catégorie d'interlocuteurs est très complexe à identifier, dans la mesure où on m’a toujours répété, depuis l’enfance, que j’étais agréable à regarder, intelligente, attirante et intéressante. Je perds beaucoup de temps à fantasmer des relations et des liens inexistants. Je souffre du syndrome de l'attrait inévitable pour le lead singer : le plus beau, intelligent, dragué, torturé, plébiscité. Le roi de la promo de la vie. L’amie la plus populaire et la plus fun. Le cercle le plus « successful » et sexy à côtoyer. La relation humaine out of my league.

Au terme d’une vingtaine d’années de vie affective adolescente et adulte souvent tourmentée et au final assez peu enrichissante, j’en conclus (enfin !) qu’il ne sert probablement à pas grand-chose de continuer à m’agripper à ce qui brille plutôt que de ne nouer des liens étroits, solides et durables qu’avec des gens qui manifestent clairement un intérêt non dissimulé et soutenu pour ma personne.

L’important étant dans le fond d’apprendre à s’apprécier soi-même avant de vouloir aspirer à une quelconque popularité affective.

Alors, cessons de vérifier nos boîtes de réception, détachons-nous sans regret de nos espoirs déçus et des relations non réciproques et vivons autrement que dans l’œil d’autrui.

On ne peut certes pas changer le comportement des autres, mais on peut adapter notre propre manière d’y réagir.

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